Une histoire de fou est une fable moderne, complétement déjantée, pourvue d’une incroyable ingéniosité, représentative des singularités de chacun, des failles et des faiblesse d’une parole donnée. « Une histoire de fou », c’est aussi le petit énoncé que l’on se dit une fois l’anecdote terminée, celle que l’on reconnaît comme tordue ou anodine seulement dans l’après-coup. « Une histoire de fou » ce n’est pas toujours drôle, c’est parfois le témoignage que l’on porte une fois les yeux libérés de l’absorption du vide. Une histoire de fou peut être semblable au tourbillon qui vous dépose en des lieux méconnus, lessivé et le cerveau à l’envers d’un trop-plein d’informations. Dit-on parfois que l’histoire était folle lorsqu’on est tout à coup tiré d’affaire, soulagé mais encore asphyxié. Le cauchemar Covidien dans lequel la France baigne regroupe bien évidemment tous les éléments d’une histoire de fou, de dingue diront certains.
N’ayons tout de même pas la mémoire si courte que ça : enterrements qui se sont déroulés dans des conditions inhumaines, masque imposé dans la rue sous peine d’amende et aux enfants dès l’âge de six ans, extinction des lieux de cultures et de divertissements, fermetures abusives d’entreprises et de secteurs d’activités, mise en danger de population malade nécessitant des soins urgents, etc.
Arrêt économique, culturel, physique et enfin, le grand oublié, le dommage collatéral : le psychique, sidéré.
Le symptôme COVID : un mélange hybride
Sous quelles formes les discours politico-scientifiques et les mesures qui en découlent se traduisent et se convertissent dans la psyché ? La question est complexe, la réponse se voudra pratique et traitée que partiellement.
À l’écoute des maux actuels, nous sommes témoins d’un exposé précis qui met en évidence les liens entre la parole du sujet et son symptôme. En décortiquant de manière élémentaire les éléments de langage utilisés par les politiques ainsi que leurs attitudes et postures à l’égard du virus, nous pouvons faire l’hypothèse que l’image renvoyée par le pouvoir – en soutenant le postulat qu’un contexte de crise convoque un recours à la verticalité dispensateur de repères et de perspectives – est totalement inappropriée voire dangereuse dans le combat face au virus.
De plus, l’idée selon laquelle un vaccin permettrait à la population de s’en sortir est tout aussi alambiquée car celle-ci sous-entend que notre destin n’est pas entre nos mains ni celles de la collectivité mais hypothétiquement entre les mains de laboratoires. Donner de l’espoir à la population par l’intermédiaire d’un vaccin, c’est basculer vers une société où le remède est attendu comme le messie avec les risques que l’on connaît d’idéalisation ou de clivage, mais surtout, cela ne sert que de révélateur à l’amateurisme des derniers mois, mesures pansements et erreurs répétées.
C’est pourquoi, j’ai choisi de mettre en évidence trois formes de souffrances et de mal-être que je retrouve aujourd’hui dans la parole de patients, de camarades ou d’individus au détour de conversations masquées. Il convient de lire cela simplement comme des grandes lignes où chaque singularité donne à s’exprimer :
_ « Le blocage » qui se convertie en sentiment d’impuissance
Face au virus, il s’agit d’être le moins mobile possible afin que le(a) Covid reste le plus inactif. Le sentiment d’être impuissant se traduit par la sensation de n’avoir aucun impact sur les décisions de demain, de n’avoir aucune arme pour lutter face à l’argument sanitaire. Surtout, l’impuissance se manifeste sur notre propre incapacité à prendre notre vie en main, immobile, « sur pause », frustré. Finalement, il ne resterait plus qu’à attendre, pieds et poings liés, avec la triste intuition que le meilleur n’est pas à venir, dans l’attente d’un retour à la normale tourné vers l’avenir.
_ Le danger du virus et la mise en danger d’autrui
Porteurs du virus, nous sommes en danger et nous sommes dangereux, porteurs asymptomatiques, nous le sommes aussi. Tout le temps dangereux, constamment en danger.
Il faut bien comprendre que ce type d’injonction est à manier avec précaution car elle fait porter un poids de responsabilité qui n’est jamais assez nuancé pour être dégagé des termes fautifs, propagateurs, criminels. Pour des profils paranoïaques ou obsessionnels, ce poids du danger peut se convertir de la manière suivante : puisque telle ou telle personne est susceptible de me mettre en danger, je me défends en attaquant sous la forme de suspicions, défiances et accusations, ou je m’en écarte sous la forme d’évitement et de pensées obsédantes qui engendrent de l’angoisse. Isolement et méfiance constituent les maîtres mots d’une société où le danger est constant.
_ J’ai peur, laissez-moi tranquille !
Le décompte mortifère a repris, la loterie de Monsieur Véran est en marche, c’est plus fort que nous, nous sommes fixés et scotchés à l’évolution. Et si par égarement nous lisons un livre qui porte comme titre « l’éloge du risque », nous sommes rattrapés par une notification qui annonce le nombre de cas et de morts dans la journée. Depuis six mois, la peur est présente là comme une seconde peau et une ombre qui nous rattrape. La peur rend docile, influençable, manipulable, elle écarte bien évidemment l’Homme raisonné de la raison, et est susceptible de créer des comportements de mise en danger, des situations d’effondrement psychique ou de repli extrême.
On peut également noter la culpabilité latente et parfois violente qui s’est mise à planer au-dessus de nos têtes : tester-isoler-tracer, attestation, masque et gel n’y sont pas pour rien. On pourrait ajouter la propagande télévisuelle qui par l’intermédiaire de spots de prévention nous rendent capable d’homicides involontaires : glaçant, à regarder avec modération. Il y aussi la honte que certains ressentent en ayant mentis sur le fait d’ être porteur du virus, à la fois pour garder le lien social, par peur de perdre leur travail, pour ne pas être un chiffre de plus dans le décompte de Monsieur Véran, et à la fois pour continuer à faire comme si de rien était, tout simplement parce que ce n’était plus possible, la solitude psychiquement plus acceptable.
En mouvement, quel qu’il soit
Il est urgent de remettre en question l’attitude managériale déshumanisante du gouvernement qui, au centre de cette crise majeure, bouleverse la société et entend la déstabiliser pour des décennies. Il est impératif de prôner la prise en charge de la souffrance psychique liée aux mesures restrictives et au climat anxiogène, et avant tout de porter un discours fort, résiliant, contenant, avec une illusion de dépassement et un cap à tenir.
Si aucune discussion ne saurait tourner en dehors du Covid (en prime vous trouverez la menace islamiste – une crise face à laquelle on pourrait développer le même manquement des mêmes dirigeants), beaucoup craignent le nouveau monde qui se façonne, terrible, dystopique, plus que jamais.
Nous subissons des décisions prises à l’encontre du bon sens ainsi que l’hégémonie de la science médicale qui est devenue une religion aux fondements incritiquables.
Aujourd’hui, la paralysie psychique et physique est une attente morbide vers un avenir incertain. La parole politique semble occulter un fait majeur : une population en « bonne » santé psychique est une population qui est au moins consciente de ses ressources.
Sommes-nous cet insecte au milieu d’une toile d’araignée, capturé, sans possibilité de mouvements, de déplacements et de projections ? Reste à savoir qui est la vilaine araignée qui semble nous emprisonner : le politique, la science, la peur ou le(a) Covid ?